Les membres de la Société des Postes Locales du Maroc et de Tunisie (SPLM) ont le plaisir de lire la revue de l’association Le Rekkas. L’on peut notamment apprendre qu’en page 3 du numéro 84 de la revue paru en Aout 2014, M. Hadida, philatéliste de renom, a donné une conférence le 3 Septembre dernier au Collectors Club de New York (CCNY) sur le thème « Un aperçu de l’histoire postale de ce pays fascinant encore inconnu sur le plan philatélique (1852-1925) ».
La demi page fait mention d’une vidéo ainsi que la présentation sont accessible sur le site du club mais ne donne pas l’adresse web…
Pour le reste, le Rekkas m’a permis de découvrir une nouvelle ressource d’information et un accès à des conférences sur des sujets qui sont aussi intéressants philatéliquement parlant. Le club CCNY publie depuis 2012 des vidéos et c’est une très bonne idée que d’autres clubs devraient utiliser pour se promouvoir ou rendre plus attractive leurs réunions.
Si vous êtes un collectionneur du Maroc, la conférence donne beaucoup d’informations pour comprendre les dates clés de la Poste au Maroc. Les premiers cachets, lettres connues, des objets d’exception sont disséqués par M. Hadida.
Si vous êtes curieux alors allez flâner sur le site, regardez quelques conférences et faites savoir au club que leur conférence sont aussi suivis hors des US.
Ceux qui souhaitent adhérer à la SPLM pour recevoir le trimestriel Rekkas et avoir accès à une mine d’information peuvent m’àcrire à travers la page contact. Les informations suivront.
Les amateurs d’Histoire apprécieront l’article de Thierry Sanchez dans le 7eme numéro de la revue Le Maghrebophila, distribuée électroniquement via la plateforme ISUU, qui s’attarde sur une lettre envoyée de Bouarfa pendant la seconde guerre mondiale. L’article « Toute une histoire cette lettre de Bouarfa… » m’a beaucoup plu car il montre comment une simple marque postale peut être reliée à une histoire méconnue du Maroc. Beaucoup pensent que la philatélie n’est plus aussi attractive en tant que hobby, ou que tout ou presque a été découvert. Or cet article donne une idée du spectre que peut couvrir par la philatélie et ce qu’elle permet d’accomplir. Un aspect utile est que la découverte de telles lettres/marques permet d’établir une liste des prisonniers ou des forces militaires présentes dans une région à une période précise. L’auteur remonte le temps pour expliquer le contexte de l’époque – même avant guerre – et arrive à montrer comment le Maroc sous Protectorat a pris part malgré lui à la guerre 39-45.
L’armée française est présente sur le territoire marocain depuis le début du 20ème siècle et n’en est pas à sa première guerre. Sauf que pour trouver des informations sur des périodes où la censure règne ou encore où l’information est sommaire, contrôlée n’est guère simple. Il y a des aspects néfastes d’un conflit tels le déplacement des populations, les prisonniers de camps, le personnes enlevées dont on perd la trace. L’intérêt des lettres de guerre ou en temps de conflit permettent de résoudre certains mystères ou dates.
Depuis l’indépendance, une grande partie des archives de la présence française ont été rapatriées en France et la partie restée sur le sol marocain n’a pas été conservée proprement et souffre aujourd’hui après plus d’un siècle de l’effet du temps. Une archive nationale a été constitué il y a peu: ses effets bénéfiques ne se feront sentir que lorsque le travail d’archivage et de digitalisation aura été mis à disposition du public et des historiens.
La philatélie marocaine contient beaucoup d’histoires et d’anecdotes qu’il faut publier et faire connaître aux passionnés d’Histoire et aux non collectionneurs. Comme le timbre, sous chaque lettre se cache un histoire parfois non anodine. Les lettres de guerre sont de cet acabit. Autre exemple mais qui cette fois permet d’apprendre sur la Tunisie pendant WWII et les prisonniers de guerre, est l’article de M. Delbeke paru dans le numéro 2 du Maghrebophila intitulé « Tunisian POW mail from WWII ».
A mes tous débuts en tant que collectionneur, je n’imaginais pas que je serais allé au-delà du timbre. J’étais ravi de pouvoir ajouter chaque semaine quelques timbres à ma collection et de feuilleter mon album en pensant aux prochains timbres que je trouverais chez feu Monsieur Hadiri. J’étais loin de me douter que j’étudierais lettres, tarifs, bureaux et marques postales. Ou encore que je me poserais tant de questions. Pourquoi un timbre courant dans une série de 10 vaut plus que la valeur des 9 autres. Pourquoi aussi y-a-t-il des compléments de valeurs à une série ou des types différents d’un même timbre ? Comment juger la rareté d’un timbre, d’une lettre ou d’un document ? Pour répondre à toutes ces questions (entre autres), il faut plus qu’un catalogue de cotation et un album et commencer un long travail de recherche. Il faut pouvoir trouver de l’information et des preuves pour la corroborer.
L’évolution d’un collectionneur de timbres peut conduire au support sur lesquels ceux-ci sont apposés. Le timbre n’existerait pas s’il n’y avait pas eu le besoin de payer d’avance un service pour l’acheminement d’une correspondance entre 2 lieux ou entre un expéditeur et son destinataire. A ses débuts le timbre est d’usage courant et peu à peu, vu l’engouement pour ce support par les populations dans chaque pays, les administrations en ont diversifié l’usage : les timbres commémoratifs naquirent, des formats différents furent utilisés, des surtaxes de bienfaisance inventées pour lever des fonds pour des œuvres sociales ou autres. Les collectionneurs font une claire distinction entre timbres courants et spéciaux et les premiers nous apprennent beaucoup sur l’histoire postale d’un pays.
De la théorie à la pratique
Pour illustrer mon propos, je me réfère à la série courante de 1956 (zone Sud uniquement) que j’étudie pour développer mon savoir et ma technique d’estimation des objets de collection. Cette série a plusieurs avantages qui plaident en sa faveur pour l’utiliser comme sujet d’étude dans le cadre d’un apprentissage de la philatélie et de l’Histoire postale d’un pays :
Sa composition : 5F, 10F, 15F puis 30F, 50F et enfin 25F et 70F, 7 valeurs supposées couvrir les différents tarifs et besoins postaux.
Sa durée : Emise en Mai 1956, elle n’est remplacée qu’en 1962 par la 1ère série courante de Hassan II mais perdure pour les surcharges au profit des victimes des innondations (1963) après sa mise hors-service (?)
Son tirage : Il y a eu plusieurs tirages pour chaque valeur de la série entre 1956 et 1963
Son prix : hormis les 2 derniers timbres de la série, les premières valeurs de la série sont abordables et fréquentes dans la correspondance de l’époque en raison des tarifs postaux.
Plusieurs séries courantes ?
Alors que je pensais que cette série était l’unique série en cours d’utilisation après l’indépendance, mes recherches ont montré que la dernière série courante de la période Protectorat (série Monuments) a été réimprimé après l’indépendance. Il y avait dès lors plus de 7 valeurs en circulation dans la Zone Sud: la série courante de 1955 comprenait 17 valeurs à savoir 50c, 1F, 2F, 3F, 5F, 6F, 8F, 10F, 12F, 15F, 18F, 20F, 25F, 30F, 40F,50F, 75F et 3 valeurs pour la Poste Aérienne (100F, 200F et 500F).
Avec toute cette batterie de faciales, nul besoin d’en avoir d’autres. Sur les 7 valeurs de la série, le timbre à 70F est le seul qui ne fait pas doublon. Il est important de noter que je n’ai pas de certitude que toutes les valeurs de la série de 1955 ont été imprimées après l’apparition de la série Mohammed V. Il y a peut-être eu jusqu’à 3 séries courantes en fonction entre 1962 et 1964 : Monuments de 1955, S.M Mohamed V de 1956 et S.M. Hassan II de 1962… Reste à le prouver…par des coins datés. Par soucis de précision, je ne prends pas en compte les séries courantes de la Zone Nord émises en Ptas.
Lettre de 1963 pour la France avec affranchissement composé des 2 séries courantes et mixte en dirham et franc marocain
Une série idéale pour l’Histoire Postale
Cette série est intéressante au regard de l’Histoire car elle montre la transition d’un État vers l’accession à son autonomie. Elle est la dernière série courante exprimée en Franc (Marocain) avant l’adoption du Dirham. Les tarifs postaux ne sont plus alignés à ceux de la France dès le 1 Janvier 1957. On trouve des situations inédites en raison des affranchissements mixtes avant/après indépendance ou introduction du Dirham ou des cachets d’oblitération bilingues.
Lettre de 1961 pour la France avec affranchissement composé. Oblitération mécanique SECAP avec illustration
En comparaison avec les autres séries courantes, la série de 1956 est d’une durée raisonnable pour constituer un éventail varié pour une étude. La durée permet d’établir qu’il y a différents tirages et donc possibilités de différences de teinte, d’encrage, de format, de perforation, de papier, de gomme sur une même valeur. Le catalogue Cotter liste certaines variétés… mais à partir de quel tirage apparaissent-elles ou sont-elles propres à toutes les impressions et valeurs ?
Liste des variétés de la série courante selon Catalogue Cotter 1983Liste des variétés de la série courante surchargée au profit des victimes des huiles frelatées (Catalogue Cotter 1983)Liste des variétés de la série courante surchargée au profit des victimes des innondations (Catalogue Cotter 1983)
Tarifs Postaux et emploi
A l’indépendance du Maroc, les tarifs postaux appliqués sont ceux définis par l’administration française dans le cadre de l’Union Postale : certains tarifs sont en vigueur depuis 1949 et auront cours jusqu’en 1957. Il n’y a guère de distinction entre le régime intérieur et les envois vers la France et pays de l’Union Postale : envoyer un courrier à Rabat nécessitait le même affranchissement que pour un envoi à Paris ou en Suisse. L’envoi pour les pays hors de l’Union Postale font office d’un tarif différent.
En 1956, les tarifs postaux (Source catalogue Maury) pour le régime intérieur et la France sont les suivants:
imprimés: 5F
cartes postales jusqu’à 5 mots: 8F
cartes postales: 12F
lettres: 15F pour le 1er échelon de poids (jusqu’à 20g), 25 F (2ème), 35F (3ème), 50F (4ème)
taxe de recommandation pour lettres et cartes postales: +35F
taxe pour accusé de réception: +15F
taxe pour express: +50F
En ce basant sur ces tarifs, on peut raisonnablement considérer que les 3 premières valeurs de la série émises en Mai 56, avait l’emploi suivant:
le 5F bleu était réservé pour les imprimés et journaux.
le 15F vert pour les lettres de 1er échelon
le 10F pour le complément pour les échelons supérieurs
Quelques exemples
Lettre de 1956 avec 15F seul sur lettre, cachet à date manuel bilingue sur 3 lignes avec date en chiffresLettre de 1956 depuis Casablanca pour la France avec affranchissement composé (5F+10F). Oblitération Mécanique SECAPLettre de 1957 depuis Casablanca pour la France avec 25F seul sur lettre. Oblitération Mécanique SECAP sans fin, date en lettresLettre de 1956 depuis Casablanca pour la France avec affranchissement mixte (5F+20F). Oblitération Mécanique SECAP sans fin, date en lettres
Les valeurs complémentaires 30F et 50F émises fin Octobre servent soit pour l’envoi de lettre de 1er échelon à destination des pays hors de l’Union Postale française (tarif 30F) ou les taxes de recommandation et express (50F)
L’apparition des 25F puis 70F en 1957 répond aussi à un besoin. Le Bulletin officiel 2307 du 11/1/1957 donne une indication de réponse quant à l’utilisation du 25F. Le prix de la lettre de 1er échelon pour les envois du régime intérieur et de l’Union postale française passe de 15 à 25F le 1er janvier 1957 et la taxe de recommandation est augmentée de 10F passant ainsi à 45F. Il faut donc s’acquitter de 25+45F soit 70F pour un envoi recommandé! Apposé un timbre à 70F est plus rapide que de composer avec plusieurs valeurs.
Décret portant modification des tarifs postaux à compter du 1er Janvier 1957
Lettre au tarif 90F probablement 2ème échelon (30F) avec taxe de recommandation (45F) et accusé de réception (15F). Affranchissement manuel avec cachet à date bilingueDos de la lettre avec cachet d’arrivée à Roanne
Confirmation/Vérification
Par chance ou obstination, l’accès à des documents officiels m’a permis d’enlever tout doute sur les tarifs mais comment faire si ces informations n’étaient pas disponibles.
Rien de mieux pour vérifier ces valeurs et l’emploi des timbres que de trouver des cartes postales et lettres à destination par exemple d’une autre ville au Maroc, de la France ou d’autres pays. En flânant dans les ventes et les sites pour collectionneurs, j’ai pu trouver ces lots et valider certains tarifs mais me suis aussi rendu compte que certains envois étaient suraffranchis.
Autant il ne peut y avoir de confusion sur le poids d’une carte postale, autant il est parfois difficile de déterminer si une lettre est du 1er échelon ou supérieur sans son contenu. Le poids et la taille de l’enveloppe donnent une indication et si l’on extrapole le poids du contenu (feuille A4) on peut estimer le régime de la lettre, à supposer que l’envoi est correctement affranchi.
Bizarrement, j’ai pu constaté que les cartes postales ayant voyagé sont souvent affranchies au tarif de 15F au lieu des 8F ou 12F requis. Était-ce par pénurie de ces faciales ou méconnaissance des expéditeurs qu’il existait un tarif propre aux cartes postales? Souvent elles sont affranchies au tarif de la lettre de 1er échelon.
Réunir plus d’objets de cette époque issus d’un même bureau permet aussi de retracer les marques postales employées mais aussi de déterminer les différences entre tirages d’une même valeur. L’argument principal est qu’un timbre sur son support n’a pas été lavé, ni altéré. Il est risqué de comparer des timbres qui ont été décollé de leur support surtout lorsqu’on a aucune indication du procédé employé. Certaines couleurs peuvent être altérées, les fibres comme l’épaisseur du papier modifiées. Un timbre sur lettre est hormis son oblitération quasiment intact et la comparaison entre différentes périodes moins sujette aux erreurs que si l’on travaillait sur des oblitérés nettoyés. On peut constater certaines différences de teintes sur les timbres employés au cours du temps. Il faut pour la validité de l’observation trouver un nombre significatif d’objets.
Dans la galerie ci-dessous, une sélection de 4 lettres au départ de Casablanca contenant toutes un timbre à 50F de la série avec des différences de couleur.
Lettre pour la Suisse affranchie à 65FLettre pour la Suisse au tarif 50FLettre pour l’Italie au tarif de 150FLettre pour la Suisse au tarif de 80F
Un lot de lettres élargit vite le champ de collection et d’investigation… Les marques postales de l’époque changent progressivement avec le remplacement des cachets qui deviennent bilingues ou dans certains cas des bureaux qui ont été renommé. Bref, il y a de quoi trouver des lettres d’importance significative au sens de l’histoire postale dans cette période.
Pour Clôturer
Le décor et la démarche sont posées dans cet article. L’acquisition de connaissances sur le sujet passe par un nombre important d’étapes et beaucoup de pratique. Les clubs et la documentation existante peuvent aider. Le suivant s’intéressera un peu plus aux timbres de cette série, aux tarifs que je n’explique pas encore et aux marques postales. J’espère que cet article vous aura donné envie de compléter plus encore votre collection avec des lettres témoins de l’Histoire.
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