Si l’on devait retenir des dates de l’Histoire du Maroc qui marquent la philatélie marocaine, alors il faut sans conteste inclure 1956. Les évènements politiques du début des années 1950 et le vent de décolonisation qui sévit dans les colonies des puissances européennes d’après guerre, n’épargnent guère le Maroc.
En général, et l’Histoire (sans en faire une règle) l’a montré à maintes reprises, la souveraineté d’un pays qui accède à l’indépendance est exercée à travers sa monnaie (indépendance économique), sa législation (indépendance politique), et sa poste (PTT indépendance des moyens de communication). Siéger à l’Union Postale Universelle (UPU) est aussi un indice fort de la souveraineté d’un état tout comme l’adhésion aux Nations Unis. A l’époque, l’ONU est en devenir, et l’UPU est une institution rodée. Tout cela n’est que supputation de ma part, et si tous les pays n’ont pas eu le même parcours, il n’en reste pas moins qu’un pays doit frapper sa monnaie, définir ses lois, nommer ses représentants, et émettre ses timbres.
Le cas du Maroc est particulier car en raison des protectorats français et espagnols, le pays va se trouver dans une situation inédite qui va avoir un impact sur sa Poste dans sa première année d’existence.
Une réunification par étapes
- Le 2 Mars 1956, la France reconnait l’indépendance du Maroc, S.M Mohammed V comme son souverain et met fin à 44 ans de protectorat. La zone sous influence française est appelée Zone Sud, et adopte le franc marocain comme monnaie.
- Le 7 Avril 1956, S.M Mohammed V et le général Franco signent un accord qui abroge le traité de Madrid de 1912 et reconnait également l’indépendance du Maroc. La zone sous influence espagnole dite « Zone Nord » est restituée à l’exception de Tanger, des enclaves de Ceuta, Melilla, Ifni (1969), Cap Juby (Tarfaya, 1958) et Rio de Oro (1975). La monnaie en cours dans la Zone Nord est la Peseta.
- Le 29 Octobre 1956, Tanger perd son statut de ville internationale et est réintégrée au Maroc.

Les émissions de la « Zone Sud »
Côté Zone Sud, la première émission du Royaume du Maroc est une série courante au message politique fort. La personnalité du roi Mohammed V est utilisée pour lier encore plus dans le collectif marocain et international, la destinée du pays à son souverain et réaffirmer que le monarque est le roi des Marocains et du Maroc. Le portrait est l’œuvre du photographe Flandrin, ami du souverain et amoureux du Maroc. Charles Mazelin est le dessinateur et graveur du poinçon de l’émission pour le compte de l’atelier de fabrication des timbres poste (Paris). L’idée de la série prend forme fin 1955, probablement avec le retour du roi d’exil. Le mensuel Le Monde des Philatelistes de Février s’en fait l’écho en page 5: une série de 3 timbres est à l’étude.
La série courante qui est composée de 3 valeurs et émise le 19 Mai 1956: 5F, 10F, 15F. Le 29 Octobre 1956, les valeurs faciales à 30F et 50F sont ajoutés à la série. Ce n’est que le 11/12 Février et le 15 Mars 1957 que les valeurs 25F et 70F viendront compléter la seule série courante du règne de feu S.M. Mohammed V. Le tirage de la série est inconnu et plusieurs tirages ont été fait.
Bonus: Les non-dentelés signés Flandrin. Impression taille-douce
Il est rare qu’une série courante soit déclinée en épreuve de luxe ou d’artiste…
Les premiers jours d’émissions et carte maxi célébrant cet évènement important sont nombreux et les plus fréquemment rencontrés sont présentés ci-dessous. On commence par un échantillon de cartes maxi
J’ai pu dénombrer 4 enveloppes 1er jour, dont 2 sont assez rares.
La suite…
J’espère que vous appréciez comme moi la richesse des pièces que l’on trouve en 1956. Je n’arrive pas encore à (m’)expliquer et comprendre tous les évènements par manque de connaissance. Il me faudrait un peu plus de connaissances sur l’histoire postale et les tarifs d’acheminement pour comprendre l’ajout progressif des valeurs de la série courante ou leur utilisation. J’ai pu déterminé avec certitude que le 5F était utilisé pour le courrier national, le 15F pour les lettres simples destinées à l’étranger mais sont-ce les seuls usages. Les 5F sous la période protectorat étaient utilisés pour les imprimés de 1er échelon.
Les 1er timbres du Royaume du Maroc sont en réalité très « Français » depuis leur conception jusqu’à leur impression, ce qui est compréhensible vu le timing (2 mois après la déclaration d’indépendance).
Dans le prochain post, je complèterais l’année 1956 avec les timbres 30F et 50F de la série courante, et la première série commémorative de la « Zone Sud ».
Le dernier article de la série sera dédié aux émissions de la « Zone Nord ».
References:
- Le Monde des Philatelistes n°52 / Sixième (VI) année- France et Union Française – Février 1956 page 5
Bravo pour cet article , très instructif !