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1956 – Royaume du Maroc – Zone Sud – 3/3

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Dans le précédent article, la chronologie des émissions de la Zone Sud en 1956 a établi que les trois premières valeurs de la série courante ont été complété par les faciales à 30 et 50F, et que la série sur la Campagne de Lutte contre l’Analphabétisme clôt l’année.

Un thème d’importance

La première série commémorative de la nouvelle administration postale est aussi inspirée par le photographe Flandrin. Le thème Campagne de Lutte contre l’Analphabétisme permet d’aborder plusieurs sujets et donne une indication de la direction des thèmes du Palais donc de Poste Maroc naissante.

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Mise à Jour du 16/03/2014: L’idée de la série coïncide avec  la parution de la série courante et l’actualité socio-politique de l’époque. Le mensuel Le Monde des Philatélistes de Juin 1956 (n°56)  dans sa rubrique France et Union Française, donne l’information de la création d’une série spéciale sur le sujet… mais avec des valeurs faciales différentes de celles retenues: 5F, 15F, 25F, 30F et 55 Franc. On apprend également que Charles Mazelin avait été commandité dans un premier temps pour la réalisation des poinçons mais ce sont au final plusieurs artistes qui seront conviés. Au cours de l’été 1956, Mazelin se blesse à la cheville et cela a éventuellement empêché qu’il en soit l’unique graveur (Le Monde des Philatélistes 1956 n°60 En quelques lignes Colonne 1)

Annonce de la série
Annonce de la série

 

Actualité sur Charles Mazelin
Actualité sur Charles Mazelin
Communiqué de la série avec nom des graveurs pour chaque timbre
Communiqué de la série avec nom des graveurs pour chaque timbre

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Le Maroc sortant de son Protectorat est à la traine au niveau éducation: plus de 80% de la population est analphabète. Un article de Mohammed Larbi paru dans Libération en 2010 reproduit sur Maghress.com dresse les actions entreprises par le Maroc depuis 1956. Le taux a été divisé par 2 pour s’établir à 40%, et toujours le même constat entre la campagne et la ville ou homme/femme. En passant par Google/Bing/Yahoo, le Maroc est cité en exemple pour la continuité de sa lutte, sa persistance. Dans son livre « Nécrologie d’un siècle perdu: essai sur le Maroc », Omar Mounir consacre un chapitre intitulé « Quel analphabétisme à combattre ? », et permet de mieux mesurer l’enthousiasme de l’époque versus aujourd’hui.

En termes d’actions menées en 1956, je retranscrit un document scanné de l’UNESCO car de mauvaise qualité pour la lecture…

« La lutte contre l’analphabétisme au Maroc, dans sa situation actuelle, a été organisée par un Comité privé, indépendant du ministère de l’Education, qui fut créé à Rabat en 1950 par un groupe de militants appartenant à l’enseignement libre; mais son travail à l’échelle nationale commence en Février 1956 à l’occasion d’un Congrès qui aboutit à la création de la Ligue Marocaine pour l’Education de Base et la Lutte contre l’Analphabétisme.

Le 4 Avril 1956 (début du Ramadan), la première campagne nationale de lutte contre l’analphabétisme était inaugurée. Une affiche ad-hoc et une méthode de lecture (un seul livre)  furent lancées (1).

Le 12 Juillet 1956, la Ligue publiait le Manar al-Maghrib, journal d’éducation de base, qui parait régulièrement chaque semaine.

En 1957, une deuxième campagne nationale a été lancée et trois centres d’éducation de base ont été créés à Tiflet, Bouznika et Midelt. Seulement le dernier subsite »

N.B: J’aimerais bien voir à quoi ressemblait l’affiche. Si quelqu’un a la possibilité de partager les documents d’époque, envoyez moi un email.

Sur le terrain, en 1956, le Maroc n’est pas en reste, d’après le rapport annuel de l’UNESCO Annuaire International de l’éducation 1956, vol 18, entre les pages 280 à 288. En page 288, il est mentionné que l’action du gouvernement n’a effet au début que dans la zone Sud et qu’il y a besoin d’unifier le programme des 2 zones en un programme unique qui fera de l’arabe la langue de base. Quelques citations dans le début du rapport

  • En page 10, « Le ministère de l’Instruction publique a été organisé dans le cadre de l’indépendance du pays. Trois services s’occupant respectivement de l’enseignement supérieur islamique, de l’enseignement libre et de l’éducation de base ont été créés. Des mesures ont été prises en vue du développement de l’enseignement privé. »
  • En page 18, « En octobre 1956, on a ouvert 80 écoles nouvellement construites. »
  • En page 26, « Le nouveau programme fait de l’arabe la langue de base. »
  • En page 33, « Une commission a été chargée d’étudier les modalités d’arabisation et de développement de l’enseignement secondaire.
  • En page 40, « Une cité universitaire a été créée à Rabat. On se préoccupe de jeter les bases d’une université marocaine avec quatre facultés. On a entrepris la réforme de l’Ecole marocaine d’administration dans le cadre de l’arabisation de l’enseignement supérieur. »

Rachid Zaki, membre de l’association philatélique d’Agadir APA, est l’auteur de l’article « L’alphabétisation au Maroc », dans lequel il présente le contexte de la thématique et les émissions depuis 1956. Je vous invite à lire cet article utile pour mesurer l’importance des émissions en relation avec le développement du pays dans la philatélie du Royaume.

J’ai également trouvé très complet le chapitre L’alphabétisation et l’éducation des adultes, extrait de la thèse La Politique Éducative Au Maroc Et En Tunisie: Étude Comparée Des Objectifs De L’enseignement Primaire (1956-1984), de Lahcen Madi.

A posteriori, la décision de faire de la 1ère série spéciale, une série sur le thème de l’éducation et du développement sociale, est philatéliquement bonne: la richesse de la documentation, la longévité du thème, le(s) défi(s), la popularité des thématiques qu’il touche. Je ne m’ennuie pas d’approfondir sur ce thème et de trouver tant de références sur une émission que j’ai eu du mal à comprendre à mes débuts en tant que collectionneurs.

[Mise à jour du 16/03/2014:
Le 3 Novembre 1956, une série de 5 timbres (10F,15F,20F,30F,50F) est émise sous le nom Campagne de Lutte contre l’Analphabétisme. Artiste Flandrin, Graveurs pour chaque faciale Pheulpin (10F), Mazelin (15F), Munier (20F), Mazelin (30F), Dufresne (50F), Imprimeur Atelier de Fabrication des timbres postes à Paris, timbres verticaux, impression taille douce, perf 13, sont les principaux atouts de cette série. La fiche technique complète sera disponible dans la section timbres du site. A noter le portrait du roi en médaillon de chaque timbre de la série.]

Le Bulletin Officiel n°2290 du 14.09.1956 apporte aussi comme information le tirage (100’000 séries) et l’allocation de la recette ( moitié au profit de la Ligue marocaine pour l’éducation et la lutte contre l’analphabétisme). La campagne 1957 a touché près de 2 millions de personnes. L’association siège à Rabat et existe toujours.

Ligue marocaine pour l’éducation de base et la lutte contre l’analphabétisme
Adresse :
53, avenue Maghrib Al Arabi 10060 Rabat
Tel 1 : 05 37 70 95 15
Fax : 05 37 70 94 77

En Bonus: Non dentelés, Epreuves, Cartes, Premiers jours, Blocs…

Florilège de cette émission, riche en articles dont dérivent les timbres ou « dérivés » des timbres eux-mêmes 🙂

Les non dentelés

Les épreuves de luxe, d’artiste, et blocs spéciaux

Bloc Spécial avec les 5 timbres en quinconce/zigzag. Très rare
Bloc Spécial avec les 5 timbres en quinconce/zigzag. Très rare
Epreuve d'artiste du 10F signée par Flandrin
Epreuve d’artiste du 10F signée par Pheulpin
Epreuve d'artiste du 20F signée par Mazelin
Epreuve d’artiste du 20F signée par Munier

Les 1ers jours d’émission

Premier Jour avec tableau du 15F Cachet Casablanca - 2 timbres
Premier Jour avec tableau du 15F Cachet Casablanca – 2 timbres
Premier jour avec tableau du 20F
Premier jour avec tableau du 20F
Premier Jour avec tableau du 30F
Premier Jour avec tableau du 30F
Premier Jour avec tableau d'enfant apprenant à lire 3 timbres cachet fait à  Casablanca
Premier Jour avec tableau d’enfant apprenant à lire 3 timbres cachet fait à Casablanca
Premier Jour avec tableau d'enfant apprenant à lire 2 timbres cachet fait à  Casablanca
Premier Jour avec tableau d’enfant apprenant à lire 2 timbres cachet fait à Casablanca
Premier Jour Fantaisie sans rapport avec le thème
Premier Jour Fantaisie sans rapport avec le thème
Premier Jour très rare émis par la maison Cotter
Premier Jour très rare émis par la maison Cotter

Les cartes maximum

Wrap-up/Conclusions

Au sens de la chronologie, l’année 1956 dans la zone sud a connu l’émission de 5 timbres courants au portrait de S.M. Mohamed V et une série spéciale de 5 timbres:

  • 19.05.1956: Série courante S.M. Mohammed V 5F, 10F, 15F
  • 29.10.1956: Complément à la Série courante S.M. Mohammed V 30F(?), 50F (?)
  • 05.11.1956: Campagne de Lutte contre l’Analphabétisme 10F, 15F, 20F, 30F, 50F

En chiffres, il a fallu débourser

  • 235F, en 1956, dans la zone sud pour l’année complète.
  • Aujourd’hui, ces timbres côtent 31.75 EUR (2008).

J’ai utilisé un calculateur d’inflation basé sur la France faute d’en avoir trouvé un sur le Maroc pour savoir combien 235F de l’année 1956 valent fin 2012: 5 EUR. L’emploi de ce calculateur me semble valable car le Franc marocain est en 1956 indexé sur le Franc français et le catalogue de cotation de référence pour les côtes mentionnées, est Yvert, éditeur.

Ce calcul n’est pas fiable car il faudrait s’arrêter à 2008 en fait (dernière côte) mais donne une idée de la valeur prise: 26 EUR en 52 ans soit une progression moyenne de 0,5 EUR/an… Les catalogues de vente donnent une côte différente et souvent l’on peut se poser si certaines sont justifiées. Ce genre de calcul permet d’évaluer l’apport de certains timbres à la valeur d’une collection et l’estimation des lots.

J’espère que ces informations vous permettront d’avoir redécouvert une série qui est emblématique de l’euphorie de l’époque que l’accession à l’indépendance a générée. Quant à moi, je n’en ai pas fini d’apprendre, et digère encore toutes ces références.

Références

1956 – Royaume du Maroc – Zone Sud – 1/3

Si l’on devait retenir des dates de l’Histoire du Maroc qui marquent la philatélie marocaine, alors il faut sans conteste inclure 1956. Les évènements politiques du début des années 1950 et le vent de décolonisation qui sévit dans les colonies des puissances européennes d’après guerre, n’épargnent guère le Maroc.

En général, et l’Histoire (sans en faire une règle) l’a montré à maintes reprises, la souveraineté d’un pays qui accède à l’indépendance est exercée à travers sa monnaie (indépendance économique), sa législation (indépendance politique), et sa poste (PTT indépendance des moyens de communication). Siéger à l’Union Postale Universelle (UPU) est aussi un indice fort de la souveraineté d’un état tout comme l’adhésion aux Nations Unis. A l’époque, l’ONU est en devenir, et l’UPU est une institution rodée. Tout cela n’est que supputation de ma part, et si tous les pays n’ont pas eu le même parcours, il n’en reste pas moins qu’un pays doit frapper sa monnaie, définir ses lois, nommer ses représentants, et émettre ses timbres.

Le cas du Maroc est particulier car en raison des protectorats français et espagnols, le pays va se trouver dans une situation inédite qui va avoir un impact sur sa Poste dans sa première année d’existence.

Une réunification par étapes

  • Le 2 Mars 1956, la France reconnait l’indépendance du Maroc, S.M Mohammed V comme son souverain et met fin à 44 ans de protectorat. La zone sous influence française est appelée Zone Sud, et adopte le franc marocain comme monnaie.
  • Le 7 Avril 1956, S.M Mohammed V et le général Franco signent un accord qui abroge le traité de Madrid de 1912 et reconnait également l’indépendance du Maroc. La zone sous influence espagnole dite « Zone Nord » est restituée à l’exception de Tanger, des enclaves de Ceuta, Melilla, Ifni (1969), Cap Juby (Tarfaya, 1958) et Rio de Oro (1975). La monnaie en cours dans la Zone Nord est la Peseta.
  • Le 29 Octobre 1956, Tanger perd son statut de ville internationale et est réintégrée au Maroc.

 

Carte Protectorat Espagnol
Carte Protectorat Espagnol 1955

 

Les émissions de la « Zone Sud »

Côté Zone Sud, la première émission du Royaume du Maroc est une série courante au message politique fort. La personnalité du roi Mohammed V est utilisée pour lier encore plus dans le collectif marocain et international, la destinée du pays à son souverain et réaffirmer que le monarque est le roi des Marocains et du Maroc. Le portrait est l’œuvre du photographe Flandrin, ami du souverain et amoureux du Maroc. Charles Mazelin est le dessinateur et graveur du poinçon de l’émission pour le compte de l’atelier de fabrication des timbres poste (Paris). L’idée de la série prend forme fin 1955, probablement avec le retour du roi d’exil. Le mensuel Le Monde des Philatelistes de Février s’en fait l’écho en page 5: une série de 3 timbres est à l’étude.

Le Monde des Philatélises Fev. 1956 p5

La série courante qui est composée de 3 valeurs et émise le 19 Mai 1956: 5F, 10F, 15F. Le 29 Octobre 1956, les valeurs faciales à 30F et 50F sont ajoutés à la série. Ce n’est que le 11/12 Février et le 15 Mars 1957 que les valeurs 25F et 70F viendront compléter la seule série courante du règne de feu S.M. Mohammed V. Le tirage de la série est inconnu et plusieurs tirages ont été fait.

Bonus: Les non-dentelés signés Flandrin. Impression taille-douce

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Il est rare qu’une série courante soit déclinée en épreuve de luxe ou d’artiste…Epreuve de Luxe SC SM Mohamed V5F Epreuve de Luxe SC SM Mohamed V 10F Epreuve de Luxe SC SM Mohamed V 15F

Les premiers jours d’émissions et carte maxi célébrant cet évènement important sont nombreux et les plus fréquemment rencontrés sont présentés ci-dessous. On commence par un échantillon de cartes maxi

J’ai pu dénombrer 4 enveloppes 1er jour, dont 2 sont assez rares.

 La suite…

J’espère que vous appréciez comme moi la richesse des pièces que l’on trouve en 1956. Je n’arrive pas encore à (m’)expliquer et comprendre tous les évènements par manque de connaissance. Il me faudrait un peu plus de connaissances sur l’histoire postale et les tarifs d’acheminement pour comprendre l’ajout progressif des valeurs de la série courante ou leur utilisation. J’ai pu déterminé avec certitude que le 5F était utilisé pour le courrier national, le 15F pour les lettres simples destinées à l’étranger mais sont-ce les seuls usages. Les 5F sous la période protectorat étaient utilisés pour les imprimés de 1er échelon.

Les 1er timbres du Royaume du Maroc sont en réalité très « Français » depuis leur conception jusqu’à leur impression, ce qui est compréhensible vu le timing (2 mois après la déclaration d’indépendance).

Dans le prochain post, je complèterais l’année 1956 avec les timbres 30F et 50F de la série courante, et la première série commémorative de la « Zone Sud ».

Le dernier article de la série sera dédié aux émissions de la « Zone Nord ».

References:

  • Le Monde des Philatelistes n°52 / Sixième (VI) année- France et Union Française – Février 1956 page 5